• Les figures de Michels sont captives, enserées dans un lourd étau d'entraves et de jougs, mises en scène, en pierre ou en bière dans une terrifiante imagerie de la claustration. Introduisant une autre exposition ala galerie Simoncini (2007), Paul Bertemes relevait «der Mensch als Silhouette gefesselt, der Freiheit beraubt, wie eine Mumie eingebunden». Il soulignait ces «skizzenhaft angedeutete, im Raum hängende, gekreuzigte, in Behälter eingezwängte Körper - der Mensch entwürdigt, eingeschlossen in eine morbide, diffuse Räumlichkei», pour conclure que «nirgendwo ist überall, Fluchtwege sind ausgeschlossen».

    Les «eingezwängte Körper» font songer à la légende d'Antigone, enterrée vivante par Créon le rai de Thèbes. Ou, pour qui préfère des réfèrents cinématographiques aux récurrents mythologiques, à cette pratique de la mafia consistant à couler ses ennemis dans le béton de quelque chantier en voie d'achèvement. Contre quelle mafia Michels est-il en lutte? De quel mal ses toiles sont-elles la métaphore, et de quelle emprise ses figures sont-elles captives?

    Michels, qui lors de ses séjours en Provence se plait à saluer la tombe d'Albert Camus, figure un homme «absurde», et pourrait faire sien Ie décret selon lequel «aucune morale, aucun effort ne sont a priori justifiables devant les sanglantes mathématiques de sa condition». Il y a de la sidération dans ses toiles, de I'accablement et de la stupéfaction, comme si ses figures suffoquaient sous le poids de leur propre étrangeté. C'est, cependant. la sidération qui prélude aux grands ébrouements: dans I'absurde camusien Michels puise la sève d'une insurrection, et son homme absurde bien vite devient homme révolté, Révolté face a «une société de plus en plus technocratique et autoritaire, dans laquelle la désintégration de I'autonomie individuelle et de la personnalité avancent à grands pas», Michels, qui par ailleurs cite André Gide - de monde ne sera sauve, s'ille peut, que par les insoumis» -se dit en resistance pour sa part face a «une societe de I'asservissement et de la deculturation», Les chiffres et lettres dont il parsème ses toiles sont des signifiants de cet asservissement, de la "bureaucratisation», de la mise en fiches, de la mise en boite et, in fine, de I'«extermination» de I'homme.

    Texte: Gaston Carre, Extrait du livre: Un homme et son oeuvre, Impremerie Centrale 2009
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